Tech Show Paris : L’IA passe de la hype aux projets concrets

Me voici au Tech Show de Paris, quelques mois seulement après une première immersion à l'édition de Francfort en juin dernier. Si les thèmes des conférences tournent toujours massivement autour de l'IA générative, l'ambiance a changé. L'effervescence de la découverte a laissé place à une réflexion plus structurée.
On sent que ces six derniers mois ont été mis à profit. Les discussions ne portent plus seulement sur le "quoi" (la puissance des LLM), mais sur le "comment" (la gouvernance, l'organisation). La "hype" est en train de se transformer, et on commence enfin à voir émerger les contours de vrais projets d'entreprise.

J'ai assisté à une conférence particulièrement éclairante de Joachim de Lazardière (Lenstra) intitulée Agents IA : entre contrôle et autonomie. La présentation a parfaitement résumé le défi auquel nous sommes tous confrontés.
Le "chaos d'Excel" comme point de départ
La présentation a commencé par une analogie brillante : la recherche du bon équilibre avec Excel. D'un côté, le "100% Business" (Autonomie totale) où chaque équipe crée ses propres analyses. C'est agile, mais cela mène au "chaos", aux silos, et à des risques de sécurité. De l'autre, le "100% IT" (Contrôle totale) où tout est centralisé dans un "warehouse". C'est gouverné, mais c'est un goulot d'étranglement.
Ce parallèle est parfait pour la révolution des agents IA. Satya Nadella prédit que "chaque employé créera un essaim d'agents". C'est la promesse d'une autonomie radicale. Mais si nous ne faisons rien, nous courons droit au "chaos d'Excel", version agents IA.

De la donnée à l'agent : l'avènement de l'"Agent Mesh" ?
Alors, comment donner ces "superpouvoirs" à tous sans recréer un chaos ingouvernable ? La réponse proposée est fascinante : s'inspirer des principes du Data Mesh pour les appliquer aux agents.
L'idée n'est pas de remplacer les outils business, mais de créer un "patrimoine" d'agents gouvernés. La conférence a esquissé une organisation de type "Agent Mesh" basée sur :
- Le "Domain Ownership" (Propriété par domaine) : Tout comme pour la donnée, les agents seraient organisés par domaine métier (marketing, finance, etc.), avec des "Product Owners" d'agents.
- La gouvernance fédérée : Mettre en place un cadre qui permet aux équipes de créer leurs propres agents, tout en s'assurant qu'ils respectent des règles communes (sécurité, standards).
- L'agent comme produit (ou service) : L'agent n'est plus un simple workflow automatisé, mais un véritable produit, avec un cycle de vie, géré par une équipe.

Le paradoxe du produit : Ne pas (trop) écouter ses utilisateurs
Un autre point crucial a été soulevé : le "paradoxe produit". La slide citait : "Si les conducteurs avaient conçu les voitures, ils auraient demandé de meilleurs klaxons, pas l'autopilote."

Le véritable gain ne vient pas de l'assistance sur un processus existant, mais de la réinvention complète du processus grâce à l'autonomie de l'agent. Le rôle du "Product Owner" de l'agent est donc incroyablement difficile : il doit écouter ses utilisateurs pour comprendre le besoin, mais en même temps imaginer un futur qu'ils ne peuvent pas encore concevoir.
Ce qu'il faut retenir
Ce qui me frappe en sortant de cette conférence, c'est la maturité de la réflexion. Il y a 6 mois à Francfort, on parlait de la puissance des LLM. Aujourd'hui à Paris, on parle d'organisation, de gouvernance, de "Business Capability Maps" et de "Domain Ownership" pour les agents.

Mise en perspective : Mon propre défi d'intégration
Cette discussion sur la gouvernance des agents et l'architecture "Mesh" fait particulièrement écho à mes propres travaux. Pour rappel, j'ai conçu intégralement l'outil de la société IHMT pour la création de rapports d'analyse de marché dans le secteur très pointu du medtech cardiaque. Cette solution s'appuie actuellement sur des agents "classiques" qui automatisent de nombreux workflows.
Le produit est en développement agile constant, et l'enjeu majeur actuel est précisément l'intégration de nouveaux agents pour augmenter significativement la qualité des insights et la puissance analytique de la plateforme.
Pour relever ce défi, la stratégie que j'adopte se rapproche de cette idée de services fédérés. Elle ne consiste pas à remplacer l'infrastructure existante, mais à implémenter une architecture hybride :
- Garder les agents classiques pour ce qu'ils font de mieux (orchestration, extraction de données structurées, formatage).
- Intégrer des agents IA (Intelligents) de nouvelle génération qui agissent comme des "services spécialisés". Aujourd'hui, dans la plateforme, ces agents IA sont positionnés au niveau de la couche data management, de l'enrichissement de données et de la QA , et peuvent être appelés à la demande par les agents classiques.
Cette méthode permet d'augmenter la puissance de la plateforme de manière ciblée, sans perturber les fondations, transformant ainsi un outil d'automatisation en une véritable plateforme d'augmentation de l'intelligence.
Le "chaos d'Excel" nous a servi de leçon collective. La révolution de l'IA ne sera pas seulement technique ; elle sera avant tout organisationnelle. Les vrais projets sont là, et ils sont structurants. Le train est bel et bien en marche.









